Intervention sur la décentralisation à Brazzaville

Fin octobre, le CIEDEL a été invité à contribuer à une rencontre sur la décentralisation organisée à Brazzaville (République du Congo). Ce séminaire visait à entretenir et encourager le processus de décentralisation, qui a été réaffirmée dans la nouvelle Constitution de 2015 comme axe central de la politique de l’État congolais. L’événement, organisé sur 3 jours, réunissait des acteurs divers : collectivités territoriales, services décentralisés et déconcentrés, Ministères et société civile.

A la demande du Ministère de l’intérieur et du Ministère délégué chargé de la décentralisation, organisateurs de la rencontre, le CIEDEL a développé comment passer d’une politique affirmée de décentralisation à une décentralisation effective. Il a également insisté sur la nécessaire articulation entre décentralisation et développement local, deux mots régulièrement répétés, pas toujours compris et souvent assimilés alors qu’ils recouvrent des approches différentes.

Comme dans de nombreux pays, la politique de décentralisation existe mais la mise en œuvre est difficile

Après plusieurs années de tâtonnement, le Congo a réaffirmé à travers la nouvelle Constitution votée en 2015 la place de la décentralisation comme axe politique national prioritaire. Alors que de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne « lèvent le pied » sur la décentralisation (par rapport au début des années 2000), il est l’un des rares à penser en termes de dynamique territoriale et d’organisation de l’Etat.

Mais cette politique de décentralisation prend du retard. D’un côté, les institutions centrales, au niveau de la capitale Brazzaville, sont peu enclines à investir une dynamique de décentralisation dont elles pensent qu’elle pourrait conduire à une diminution de leurs responsabilités. D’un autre, les représentants élus dans les départements et les communes sont mal préparés à se saisir des nouvelles compétences qui leur sont dévolues. Rien de nouveau dans cette double situation que connaissent la plupart des pays qui ont engagé des politiques similaires.

L’animation de la rencontre : montrer que la décentralisation dépasse largement le travail sur le cadre juridique et ses éléments moteurs

C’est pour activer cette politique qu’a été organisée la rencontre, de Brazzaville. En réunissant les membres des bureaux des Conseils départementaux et municipaux et les Préfets, les organisateurs ont voulu que chacun, quel que soit ses responsabilités dans une collectivité décentralisée ou comme représentant de l’Etat au niveau local bénéficie du même éclairage sur la décentralisation et le développement local. Ils ont ainsi pu poser une réflexion partagée, ouvrir des débats directs entre eux ainsi qu’avec les Ministres et Directeurs centraux des deux Ministères directement concernés.

Les responsables congolais avaient confié une partie des cadrages au CIEDEL pour alimenter les débats. Le programme d’intervention qui a été proposé a abordé plusieurs aspects :

  • La compréhension de la décentralisation
    Politique mise en œuvre par l’État (mouvement descendant) qui exige une impulsion partagée avec les habitants (mouvement ascendant), au-delà des aspects juridiques. Comment construire une rencontre entre ces deux mouvements.
  • La question centrale du développement local : la rencontre entre collectivités territoriales (institutions) et dynamiques locales
    Le développement local résulte de la rencontre construite entre les collectivités locales et les dynamiques internes aux organisations citoyennes et économiques locales. Contrairement à ce qui est souvent postulé, cette rencontre n’est pas spontanée. Construire cette rencontre nécessite méthode et rigueur pour traiter de questions essentielles (quelques exemples dans le schéma suivant) faute de quoi décentralisation et développement local resteront de vaines politiques.

Schéma : Décentralisation et développement local : une articulation à construire autour d’un espace public local… qui reste à définir

  • Les dispositifs pour soutenir le développement local
    Des appuis techniques aux collectivités territoriales sont nécessaires, notamment par des services à mettre en place pour que les élus puissent tenir leur rôle (appui à l’élaboration d’un plan local de développement, informations technico-économiques, appuis à la maîtrise d’ouvrage…). La mise en place d’un dispositif financier pour renforcer la collecte des impôts locaux et mobiliser des ressources extérieures est aussi un point clé qui a été présenté à travers les « Fonds d’investissement locaux ».
  • La question du contrôle de légalité,
    La question a été couverte par des interventions de préfets français et a constitué un passage important en termes de mise en œuvre juridique de la décentralisation.
  • Les appuis des partenaires techniques et financiers
    Les 3 jours de séminaire ont été complétés par la présentation des appuis que peuvent apporter des partenaires financiers (AFD, UE…).

L’articulation de la décentralisation aux dynamiques internes aux territoires et aux habitants, le vrai gage de réussite

Avec un programme dense, la rencontre a permis de mettre en valeur les différentes dimensions d’une politique de décentralisation. Le domaine juridique, le premier mis en place, n’en constitue finalement qu’un élément. Les échanges ont souligné que la réussite de la politique de décentralisation relève prioritairement de son articulation avec les dynamiques internes aux territoires et aux habitants. La mise à disposition d’informations, le débat, l’échange des points de vue sont des préalables à l’action.

L’intérêt de la rencontre a tenu également à la présence, de membres des directions des Ministères techniques et des représentants d’ONG (environ 200 personnes au total). Il ne faut toutefois pas oublier que partager des informations, participer à des débats, échanger des points de vue sont des préalables et qu’ils ne signifient pas une mise en œuvre effective de la décentralisation. Encore faut-il la construire au quotidien pour en faire une réalité.