Favoriser l’innovation sociale et territoriale

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L’innovation sociale et l’ innovation territoriale sont depuis quelques années deux termes clés pour les territoires. A notre connaissance, il n’y a pas de références claires où l’on qualifie ce qu’est l’ innovation territoriale. L’apparition et l’usage de ce terme vont de pair avec le concept de développement territorial, et avec la généralisation dans le champ du développement territorial, de l’usage du terme d’innovation.

Les enjeux de l’innovation dans les territoires sont fortement liés aux enjeux de transition, au besoin d’adaptation des territoires vers des modes de faire et d’organisation qui permettent une plus grande capacité de résilience et de renouvellement face aux crises écologiques, économiques et sociales. Même si elle est de plus en plus utilisée dans les politiques publiques, la notion d’innovation territoriale reste floue. On peut cependant distinguer deux grandes tendances parmi les auteurs qui utilisent ce concept :

  • Une innovation territoriale vue sous l’angle économique, à laquelle sont assimilées toutes les initiatives identifiées sur un territoire qui présentent un caractère novateur ou inhabituel pour le territoire.
  • Une innovation territoriale assimilée à une innovation sociétale, c’est-à-dire une innovation qui touche au changement d’une société, d’un point de vue socio-culturel et politique. Elle poursuit une finalité de mieux-être collectif, et modifie la vision de la société locale, ses relations, le comportement et les droits de ses membres, ainsi que les situations individuelles et collectives.

Cette dernière définition est proche de celle que Cap Rural et le CIEDEL se sont forgés et proposent dans le cadre des travaux qu’ils mènent depuis 2015 sur le sujet. Elle transpose les concepts d’innovation et d’innovation sociale, au territoire et au développement local. L’innovation et le changement d’une société sont liés. Partant d’une approche où le local est lieu de changement social, le concept d’innovation va alors s’appliquer à la société et au territoire.

Les innovations sociales et territoriales suivent un processus non linéaire tel que décrit dans les vidéos pédagogiques produites dans le cadre du travail entrepris par nos deux structures (actuellement en cours de capitalisation pour la production d’un ouvrage destiné à l’accompagnement de l’innovation sociale et territoriale). La compréhension de ce processus et de ses ressorts dynamiques et pratiques, a pour objectif de favoriser l’émergence des innovations, indispensables pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain et faire évoluer les modèles de développement.

Un défi : accompagner l’innovation territoriale sans la brider

Mettre en place un cadre favorable à l’innovation sociale et territoriale, c’est déjà répondre à un défi : comment instaurer un cadre pour un processus qui se démarque par son caractère innovant, par sa capacité à sortir du cadre existant ? Faut-il favoriser une approche projet, centrée sur l’accompagnement sur le court terme pour la « réalisation d’une innovation » dans un temps donné ? Ou accompagner au changement, accompagner sur le long terme des changements sociaux qui se matérialiseront – peut-être – à partir des actions mises en œuvre ? Les travaux entrepris à partir du décryptage d’expériences d’innovations sociales et territoriales permettent de penser que, pour accompagner l’innovation sociale et territoriale, il faut en fait pouvoir rapprocher ces deux approches.

Avant de penser la mise en œuvre d’un projet, un processus innovant questionne nécessairement le sens, la finalité du projet. La situation à changer et le cap à viser sont connus, mais, compte tenu de la diversité des contextes de mise en œuvre, le chemin à parcourir n’est pas clairement identifié et les effets provoqués en cours de réalisation sont donc plus importants à cerner et que les résultats de l’action menée.

Dans l’approche projet, le point d’arrivée est identifié, le chemin balisé : on veut faire évoluer une situation contextuelle en visant des résultats précis, et en identifiant à l’avance les changements de comportements des acteurs concernés. Parfois avec eux, et parfois sans eux. Ces différences fondamentales entre les deux approches réduisent les chances d’un projet d’être facteur de changement social : la conduite du projet se laisse moins la possibilité d’expérimenter en cours de route de nouvelles manières de faire, de nouvelles synergies.

En fait, le projet est une pièce du puzzle. Ce qui fait la complémentarité des deux approches, c’est que le projet peut être mis au service du changement social. Accompagner l’innovation, c’est penser l’innovation sociale et territoriale dans la conduite de projet.

Faire travailler ensemble les acteurs locaux

Le changement social est un phénomène collectif. Il passe par la confrontation et la négociation plus ou moins informelle entre des acteurs. De nombreux facteurs interconnectés influencent ce changement : par exemple les idéologies, et les facteurs qui modifient leur influence (une idéologie sera plus ou moins importante en fonction du contexte) ; mais aussi les différents groupes d’acteurs impliqués, leurs différences de situation, l’antériorité de leur interconnaissance ; ou encore leurs ressources d’action. C’est dans le cadre d’une dynamique de changement social que l’innovation sociale et territoriale peut se développer, au-delà de son émergence : plus il y a de changements du milieu et d’interactions entre les acteurs, plus elle a de chance de faire son chemin au sein de la société concernée.

L’innovation sociale et territoriale est éminemment locale en ce sens qu’elle prend sa source dans les spécificités du territoire. C’est pourquoi un des moyens d’accompagner l’innovation sociale et territoriale est de favoriser des espaces de rencontre, d’expérience commune, de discussion, de co-construction entre acteurs, d’apprentissage collectif, et de permettre de questionner en commun le sens et la finalité.

Le projet est un outil de transformation du milieu, porté par un ou plusieurs opérateurs qui tentent d’opérer une « greffe ». Il peut être lié à une logique de décision autre que celle propre au territoire dans lequel il s’inscrit. En cela, le projet, s’il peut être innovant, ne va pas permettre de prendre en compte de manière adaptée les facteurs et acteurs locaux. Il est souvent moins imaginatif, et/ou moins porteur de changement social.

En revanche, l’approche projet pourra concrétiser des actions dans le cadre d’un processus d’innovation territoriale. Un accompagnement est souvent nécessaire, pour expérimenter, apprécier et adapter la mise en œuvre.

Accompagner la mise en œuvre plutôt que l’idée ?

La réussite de certains territoires ou organisations tient plus de leur capacité à mobiliser des moyens pour contribuer à l’amélioration de leur projet, à la mise en réseau, à la mise à l’échelle ou à la diffusion de leurs initiatives.

De ce fait, les territoires qui développent une expertise dans leur capacité à repérer l’innovation et à mettre des moyens à disposition de manière souple pour accompagner les idées émergentes et leur concrétisation, ont plus de chances de voir émerger des innovations sociales en leur sein.

L’innovation se nourrit de la différence : penser autrement, faire autrement. La capacité des territoires à favoriser les échanges dans leur milieu et avec l’extérieur, à encourager la concertation et le travail collaboratif sur les projets locaux sont donc essentielles.

Le principe clé : la médiation (entre les approches, entre les acteurs)

L’accompagnateur, professionnel ou non, joue un rôle clé dans le processus d’innovation en croisant les approches accompagnement du changement et accompagnement de projet :

  • Dans l’accompagnement du changement, il peut permettre aux acteurs de formuler leur problème, les aider à trouver des réponses nouvelles, adaptées, ou des ressources pour la concrétisation de propositions de solutions, organiser les transitions et la durabilité du changement ;
  • Dans l’accompagnement des projets, il peut accompagner la mise en action, permettre de passer des paliers de changement, renforcer les capacités des acteurs pour y contribuer, et faire la médiation entre le projet et son environnement.

Plus particulièrement, lorsque ces accompagnateurs sont des agents de développement local, leur rôle sera d’être une interface entre :

  • Les inventeurs, les innovateurs et les autres acteurs du milieu,
  • Le territoire institutionnel (la collectivité territoriale) et tous les acteurs du milieu.

Et veiller à l’intérêt général du projet, de la dynamique…